vendredi 23 janvier 2015

Recours au Tribunal Administratif pour annuler la décision de fermeture de classe à l'école Maternelle


REQUÊTE DEVANT LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE VERSAILLES
POUR :

Madame Martine DUPONT, domiciliée 3 rue de la Ravine à 91470 Angervillierss
Monsieur Franck DESSEROUER, domicilié 5 impasse Montgarny à 91470 Angervilliers,
Monsieur Gilles NOUGARET, domicilié 5 rue de la voie blanche à 91470 Angervilliers,
CONTRE:

L'Etat, pris en la personne de l'Inspecteur de l'académie de Versailles

OBJET : annulation de la décision du 2 septembre 2014 de supprimer un poste d’enseignant à l’école maternelle « Le Château » à Angervilliers ayant pour conséquence la fermeture d’une classe dans une commune rurale.

LES FAITS

Durant l'année scolaire 2013/2014, l'école maternelle « le château » à Angervilliers comportait trois classes:

-     une classe petite section (PS);

-     une classe moyenne section (MS),

-     une classe grande section (GS).

 Les effectifs étaient raisonnables (entre 22 et 26 enfants par classe), d'où des conditions d'enseignement très satisfaisantes.

 En début d'année 2014, l'Académie de VERSAILLES a établi des règles départementales de carte scolaire pour l'année 2014/2015 applicables à l'ensemble des écoles du département de l'Essonne (pièce 1).

 Ces règles prévoyaient trois types de seuil :

-     un seuil de fermeture, qui entraînait une fermeture définitive de classe ;
-     un seuil de blocage, qui entraînait une fermeture différée de classe, en ce sens que le maintien du nombre de classe initial était possible en cas d'augmentation des effectifs à la rentrée de septembre 2014;
-     un seuil d'ouverture de classe (sans objet dans le présent litige) (pièce 1).

 Se fondant sur le seuil de fermeture applicable aux écoles maternelles de trois classes en général, soit 60 élèves, et non pas sur le seuil de fermeture applicable aux écoles maternelles de trois classes situées en zone rurale, soit 52 élèves, l'Inspecteur d'Académie a proposé au Comité technique spécial départemental du 20 juin 2014 et au Conseil départemental de l'Education nationale du 24 juin 2014 la suppression d'un des trois postes d'enseignant à l'école maternelle d'Angervilliers, ce qui équivalait à la suppression d'une des trois classes.

 C'est ainsi que, le 8 juillet 2014, le Directeur académique des services de l'Education nationale (DASEN) a décidé la suppression d'un poste d'enseignant à l'école maternelle d'Angervilliers, équivalent à la fermeture d'une classe (pièce 2).

 Il s'agissait donc d'une fermeture en principe définitive.

 Toutefois, durant l'été 2014, il apparaissait que le nombre d'enfants à scolariser à l'école maternelle pour l'année 2014/2015 s'élevait à 62, soit le seuil de blocage correspondant à une fermeture différée.

 C'est dans ces conditions que le DASEN acceptait de procéder à un comptage des enfants le jour de la rentrée, soit le 2 septembre 2014, et qu'une commission était programmée ce 2 septembre afin de statuer définitivement sur le maintien ou non du poste d’enseignant.

 Le jour de la rentrée, le comptage effectué l'après-midi par l'Inspecteur de circonspection indiquait des effectifs à l’école maternelle de 61 enfants. La présence de l’inspecteur académique le jour de la rentrée du 2 septembre 2014 a donc naturellement requalifié le choix de fermeture définitif du 8 décembre 2014 en fermeture différée.

 C'est dans ces conditions que, le 2 septembre 2014, l’Inspecteur d'Académie a décidé de supprimer définitivement l'un des trois postes d'enseignant, ce qui équivalait à fermer l'une des trois classes de maternelles.

C'est ainsi qu'au lieu d'être accueillis dans trois classes de 22 à 26 élèves, les petits Angervilliérois étaient scolarisés dans deux classes de double niveau (PS et MS, d'une part; MS et GS d'autre part) d'environ 30 élèves chacune.

Le jour même, suite à cette décision de fermeture de classe, un couple de parents a décidé de scolariser son enfant dans une autre commune, portant les effectifs, le jour du comptage, de l'école maternelle à 60 enfants, soit 30 enfants par classe.

 Distinguant mal quel progrès pouvait bien constituer une telle "réforme", les requérants ont déposé un recours gracieux auprès de l’inspection académique le 31 octobre 2014, pour demander le retrait de la décision de supprimer un poste d’enseignant à l’école maternelle « Le Château » à Angervilliers (pièce 3).

Par courrier daté du 18 novembre 2014, l’Inspecteur d'Académie a refusé de faire droit à cette demande tout précisant qu‘il suivrait avec attention la situation de l‘école maternelle « afin de préserver le meilleur accueil pour les enfants de la commune durant l‘année scolaire » (pièce 4).

C'est dans ces conditions que les requérants ont décidé de saisir le tribunal de céans.
DISCUSSION

La décision susvisée est manifestement illégale pour au moins quatre raisons.

En premier lieu, la commune d'Angervilliers étant située en zone rurale par l’INSEE, (codification UU2010 de l’INSEE commune d’Angervilliers - codifié CODGEO 91017 – pièce 5), l’Inspecteur d'Académie aurait dû appliquer les règles départementales de carte scolaire applicables aux écoles maternelles de trois classes sises en commune R à savoir :

o Seuil de fermeture : 52 enfants et non pas 60 enfants;

o Seuil de blocage : 55 enfants et non 62 enfants.

En l'espèce, les effectifs de l'école maternelle à la rentrée du 2 septembre 2014 étaient de 61 enfants.

C'est donc à tort que l’Inspecteur d'Académie a décidé de confirmer la suppression définitive de l’un des trois postes d’enseignant le 2 septembre 2014.

Le tribunal notera que, dûment interpellé sur ce point crucial dans le recours gracieux du 31 octobre (pièce 3), l’Inspecteur d'Académie s'est abstenu d'apporter la moindre explication dans son courrier daté du 18 novembre 2014 (pièce 4) et confirme même dans son premier paragraphe que le seuil retenu pour justifier de sa décision est bien celui du barème départemental pour les communes urbaines.

En deuxième lieu, le règlement type des écoles maternelles et des écoles élémentaires publiques du département de l’Essonne prévoit dans son article 1.B) que « les enfants âgés de deux ans révolus au jour de la rentrée scolaire dont l'état de santé et de maturation physiologique et psychologique constatée par un médecin (de famille ou de la Protection Maternelle et Infantile…) est compatible avec la vie collective en milieu scolaire, peuvent être admis dans la limite des places disponibles, à l'école maternelle ou en section maternelle » (pièce n°6).

En l'espèce, au moins deux enfants correspondant aux critères ci-dessus pouvaient être scolarisés à l'école maternelle.

 En conséquence, à la rentrée scolaire, il aurait dû être constaté la présence de 61 enfants + 2 enfants en pré-rentrée = 63 enfants.

De nouveau, cet effectif de 63 enfants est supérieur au seuil de fermeture non seulement en zone urbaine (60 enfants) mais également en zone rurale (52 enfants).

En conséquence, cette décision est entachée d’illégalité au regard des règles départementales de carte scolaire applicables aux écoles maternelles de trois classes, règles établies par l'Inspecteur d'Académie lui-même.

En troisième lieu, l’article L.111-1 du code de l’éducation dispose que  « l'éducation est la première priorité nationale. Le service public de l'éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. Il contribue à l'égalité des chances (…) elle a pour but de renforcer l'encadrement des élèves dans les écoles et établissements d'enseignement situés dans des zones d'environnement social défavorisé et des zones d'habitat dispersé, et de permettre de façon générale aux élèves en difficulté, quelle qu'en soit l'origine, en particulier de santé, de bénéficier d'actions de soutien individualisé »

L’article L.111-2 du code de l’éducation dispose que « pour favoriser l'égalité des chances, des dispositions appropriées rendent possible l'accès de chacun, en fonction de ses aptitudes et de ses besoins particuliers, aux différents types ou niveaux de la formation scolaire ».

Par ailleurs, l’objectif de service public d’éducation étant de donner à chaque enfant les moyens de réussir, il est indéniable que pour assurer l’égalité des chances, les taux d’encadrement doivent être fixés en fonction des critères quantitatifs et qualitatifs.

Cet argument est par ailleurs développé dans un support datant de 2002 encore en ligne sur le site EDUSCOL (Portail Nationale des Professionnels de l’Education Nationale) (pièce n°7) rédigé par Madame Marie-Line Bosse, professeur d'école et doctorante en psychologie cognitive au laboratoire Psychologie et Neuro-Cognition, Université Grenoble II et Eliane Finet, inspectrice stagiaire, Grenoble 1.

Elle y écrit que les « temps de langage collectifs… permettent la prise de parole d'un grand nombre d'enfants dans un temps limité. Ils sont un moment riche pour l'expression et la compréhension, mais aussi pour l'apprentissage de l'écoute et du respect de l'autre. Cependant, l'enseignant veillera au temps de prise de parole de chacun, sous peine de voir se creuser les écarts entre les enfants… ».

Or, il n’est pas contestable qu’une classe de 30 élèves en double niveau ne facilite pas la mise en œuvre de ce type d’actions dans les meilleures conditions.

L’augmentation du nombre d’élèves par classe a un effet avéré sur leur réussite scolaire comme le démontre plusieurs études.

C’est notamment le cas de celle de Monsieur Pascal Bressoux, Directeur du laboratoire en sciences de l’Education de l’Université Pierre-Mendès France de Grenoble qui écrit que « que la réduction de la taille des classes a un impact très significatif sur les acquis des élèves, par exemple en français et en mathématiques, mais aussi sur les facteurs comportementaux : ils travaillent plus en cours ».

Or, l’école Maternelle d’Angervilliers bénéficiait, avant cette fermeture, d’une classe par niveau avec des effectifs de 22 à 26 élèves.

Ces effectifs permettaient à l’équipe pédagogique de travailler les programmes dans un cadre serein, apaisé et sécurisé.

La fermeture va à l’encontre des principes fondamentaux du code de l’éducation car elle crée des inégalités d’abord entre les enfants, mettant de côté ceux qui ont plus de difficultés, puis entre les générations puisque les seuils d’ouverture de classe très élevées empêchent une possible réouverture dans les années à venir.

De surcroît le réaménagement des salles de classe à 30 élèves ne permet pas techniquement l’accueil d’un enfant à mobilité réduite et donc ne garantir pas l’égalité des chances.

En conséquence, cette décision est entachée d’illégalité au regard du code de l’éducation.

En quatrième lieu, la commune d’Angervilliers étant classée par l’INSEE en zone rurale (pièce 5), la décision de fermeture devrait être prise avec une plus grande souplesse afin de maintenir le service public de l’éducation dans ces territoires.

La doctrine du Ministère de l'Education nationale le confirme très clairement: « il appartient aux autorités académiques de répartir le contingent d'emplois dont elles disposent en fonction des besoins de l'ensemble des écoles, ce qui implique nécessairement des mesures d'aménagement du réseau des écoles à partir de critères objectifs de choix qui sont soumis au conseil départemental de l'éducation nationale, au comité technique paritaire départemental ainsi qu'aux instances de concertation. Les seuils d'ouverture et de fermeture de classe qui découlent de cette procédure permettent de déterminer avec précision les ajustements requis tout en intégrant la nécessité de préserver le réseau public d'éducation en milieu rural…il importe d'éviter la disparition des services publics en milieu rural ainsi que les réorganisations aboutissant à une diminution significative du service rendu » (JO Sénat du 19/12/2002 - page 3161).

Dans le même ordre d’idée, la Circulaire du 3 mars 2005 relative au maintien des services publics en milieu rural précise « qu’il soit renoncé à toute réorganisation entraînant une suppression ou une réduction significative du service au public en milieu rural, sauf accord exprès des élus concernés. Ceci s’applique aux projets de fermeture d’école, sauf s’il s’agit d’un regroupement pédagogique, ainsi qu’aux projets de fermeture de collège ».

En l'espèce, la fermeture de la 3ème classe engendre inévitablement une baisse significative du service rendu pour les 1600 habitants d'Angervilliers à savoir :

-     l’accroissement des effectifs par classe
-     l’inadaptation des salles de classes au regard des nouveaux effectifs
-     les problèmes de sécurités dans les locaux notamment en matière de risque incendie (exemple : l’espacement entre les assises et le mur du fond n’est pas suffisant pour permettre aux enfants de sortir rapidement de l’établissement – 90 cm minimum tenant compte de l’espace nécessaire pour l’assise des enfants, or les chaises sont collées au radiateur).
-     L’aménagement de la classe des « moyens / grands » ne permet pas l’accueil d’enfant à mobilité réduite et est donc discriminatoire vis-à-vis des enfants en situation de handicape que l’école pourrait être amenée à accueillir.

Enfin, la Commune d’Angervilliers bénéficie de subventions au titre de sa ruralité (Dotation de Solidarité rurale, Dotation d’Equipement des Territoires Ruraux) et peut bénéficier du FACE (Fond d’Amorçage des Charges d’Electrification) pour l’électrification des communes rurales. Il n’est donc pas cohérent que la Commune d’Angervilliers bénéficie, du fait de son classement en zone rurale, de dispositifs spécifiques relatifs à tous les domaines de la vie quotidienne SAUF pour le service public prioritaire qu'est l’Education nationale.
PAR CES MOTIFS

Vu le code de l'éducation nationale,

Vu le code de justice administrative,

Plaise au Tribunal administratif de VERSAILLES de :
- Annuler la décision du 2 septembre 2014 de supprimer un poste d’enseignant à l’école maternelle « Le Château » à Angervilliers ayant pour conséquence la fermeture d’une classe dans une commune rurale.

- Enjoindre à l'Inspecteur de l'Académie de VERSAILLES de rétablir un poste d’enseignant à l’école maternelle « Le Château » à Angervilliers.

Sous toutes réserves

Angervilliers, le 19 janvier 2015

Martine DUPONT    Franck DESSEROUER    Gilles NOUGARET

 

 

 

 

 

 

LISTE DES PIECES

 

1.   Règles départementales de carte scolaire pour l'année 2014/2015

2.   Décision de suppression de poste du 8 juillet 2014 (fermeture différée)

3.   Recours gracieux déposé le 31
 
 
 octobre 2014 à l’inspection académique


4.   Réponse de l’inspection académique du 18 novembre 2014

5.   Imprime écran dossier INSEE codification des communes

6.   Règlement départemental

7.   Prévention des difficultés d’apprentissage du langage écrit en maternelle




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