REQUÊTE DEVANT LE TRIBUNAL
ADMINISTRATIF DE VERSAILLES
POUR
:
Madame Martine DUPONT, domiciliée 3 rue de la
Ravine à 91470 Angervillierss
Monsieur Franck DESSEROUER, domicilié 5 impasse
Montgarny à 91470 Angervilliers,
Monsieur
Gilles NOUGARET, domicilié 5 rue de la voie blanche à 91470 Angervilliers,
CONTRE:
L'Etat,
pris en la personne de l'Inspecteur de l'académie de Versailles
OBJET : annulation de la décision du 2 septembre 2014 de
supprimer un poste d’enseignant à l’école maternelle « Le Château » à
Angervilliers ayant pour conséquence la fermeture d’une classe dans une commune
rurale.
LES FAITS
Durant
l'année scolaire 2013/2014, l'école maternelle « le château » à
Angervilliers comportait trois classes:
- une classe petite section (PS);
- une classe moyenne section (MS),
- une classe grande section (GS).
Les
effectifs étaient raisonnables (entre 22 et 26 enfants par classe), d'où des
conditions d'enseignement très satisfaisantes.
En
début d'année 2014, l'Académie de VERSAILLES a établi des règles
départementales de carte scolaire pour l'année 2014/2015 applicables à
l'ensemble des écoles du département de l'Essonne (pièce 1).
Ces
règles prévoyaient trois types de seuil :
- un seuil de fermeture, qui
entraînait une fermeture définitive de classe ;
- un seuil de blocage, qui
entraînait une fermeture différée de classe, en ce sens que le
maintien du nombre de classe initial était possible en cas d'augmentation des
effectifs à la rentrée de septembre 2014;
- un seuil d'ouverture de classe (sans objet
dans le présent litige) (pièce 1).
Se
fondant sur le seuil de fermeture applicable aux écoles maternelles
de trois classes en général, soit 60 élèves, et non pas sur le
seuil de fermeture applicable aux écoles maternelles de trois
classes situées en zone rurale, soit 52 élèves, l'Inspecteur
d'Académie a proposé au Comité technique spécial départemental du 20 juin 2014
et au Conseil départemental de l'Education nationale du 24 juin 2014 la
suppression d'un des trois postes d'enseignant à l'école maternelle
d'Angervilliers, ce qui équivalait à la suppression d'une des trois classes.
C'est
ainsi que, le 8 juillet 2014, le Directeur académique des services de
l'Education nationale (DASEN) a décidé la suppression d'un poste d'enseignant à
l'école maternelle d'Angervilliers, équivalent à la fermeture d'une classe (pièce
2).
Il
s'agissait donc d'une fermeture en principe définitive.
Toutefois,
durant l'été 2014, il apparaissait que le nombre d'enfants à scolariser à
l'école maternelle pour l'année 2014/2015 s'élevait à 62, soit le seuil de
blocage correspondant à une fermeture différée.
C'est
dans ces conditions que le DASEN acceptait de procéder à un comptage des
enfants le jour de la rentrée, soit le 2 septembre 2014, et qu'une commission
était programmée ce 2 septembre afin de statuer définitivement sur le maintien
ou non du poste d’enseignant.
Le
jour de la rentrée, le comptage effectué l'après-midi par l'Inspecteur de
circonspection indiquait des effectifs à l’école maternelle de 61 enfants.
La présence de l’inspecteur académique le jour de la
rentrée du 2 septembre 2014 a donc naturellement requalifié le choix de
fermeture définitif du 8 décembre 2014 en fermeture différée.
C'est
dans ces conditions que, le 2 septembre 2014, l’Inspecteur d'Académie a
décidé de supprimer définitivement l'un des trois postes d'enseignant,
ce qui équivalait à fermer l'une des trois classes de maternelles.
C'est
ainsi qu'au lieu d'être accueillis dans trois classes
de 22 à 26 élèves, les petits Angervilliérois étaient scolarisés dans deux
classes de double niveau (PS et MS, d'une part; MS et GS d'autre part)
d'environ 30 élèves chacune.
Le jour
même, suite à cette décision de fermeture de classe, un couple de
parents a décidé de scolariser son enfant dans une autre commune, portant les
effectifs, le jour du comptage, de l'école maternelle à 60 enfants, soit
30 enfants par classe.
Distinguant
mal quel progrès pouvait bien constituer une telle "réforme", les
requérants ont déposé un recours gracieux auprès de l’inspection académique le 31
octobre 2014, pour demander le retrait de la décision de supprimer
un poste d’enseignant à l’école maternelle « Le Château » à
Angervilliers (pièce 3).
Par courrier daté du 18
novembre 2014, l’Inspecteur d'Académie a refusé de faire droit à cette
demande tout précisant qu‘il suivrait avec attention la situation de l‘école
maternelle « afin de préserver le meilleur
accueil pour les enfants de la commune durant l‘année scolaire » (pièce
4).
C'est dans ces conditions que les
requérants ont décidé de saisir le tribunal de céans.
DISCUSSION
La décision susvisée est
manifestement illégale pour au moins quatre raisons.
En premier lieu, la commune d'Angervilliers étant située en zone
rurale par l’INSEE, (codification UU2010 de l’INSEE commune
d’Angervilliers - codifié CODGEO 91017 – pièce 5), l’Inspecteur
d'Académie aurait dû appliquer les règles
départementales de carte scolaire applicables aux écoles maternelles de trois
classes sises en commune R à savoir :
o Seuil
de fermeture : 52 enfants
et non pas 60 enfants;
o Seuil
de blocage : 55 enfants et non 62 enfants.
En
l'espèce, les effectifs de l'école maternelle à la rentrée du 2 septembre 2014
étaient de 61 enfants.
C'est donc à tort que l’Inspecteur d'Académie a décidé de
confirmer la suppression définitive de l’un des trois postes d’enseignant le 2
septembre 2014.
Le
tribunal notera que, dûment interpellé sur ce point crucial dans le recours
gracieux du 31 octobre (pièce 3), l’Inspecteur d'Académie
s'est abstenu d'apporter la moindre explication dans son courrier daté du 18
novembre 2014 (pièce 4) et confirme même
dans son premier paragraphe que le seuil retenu pour justifier de sa décision
est bien celui du barème départemental pour les communes urbaines.
En deuxième lieu, le
règlement type des écoles maternelles et des écoles élémentaires publiques du
département de l’Essonne prévoit dans son article 1.B) que « les enfants âgés de deux ans révolus au jour de
la rentrée scolaire dont l'état de santé et de maturation physiologique et
psychologique constatée par un médecin (de famille ou de la Protection
Maternelle et Infantile…) est compatible avec la vie collective en milieu
scolaire, peuvent être admis dans la limite des places disponibles, à l'école
maternelle ou en section maternelle » (pièce n°6).
En
l'espèce, au moins deux enfants correspondant aux critères ci-dessus pouvaient
être scolarisés à l'école maternelle.
En
conséquence, à la rentrée scolaire, il aurait dû être constaté la
présence de 61 enfants + 2 enfants en pré-rentrée = 63 enfants.
De nouveau, cet effectif de 63
enfants est supérieur au seuil de fermeture non seulement en zone urbaine (60
enfants) mais également en zone rurale (52 enfants).
En conséquence, cette décision est entachée d’illégalité au regard des
règles départementales de carte scolaire applicables aux écoles maternelles de
trois classes, règles établies par l'Inspecteur d'Académie lui-même.
En
troisième lieu, l’article L.111-1 du code de l’éducation dispose
que « l'éducation est la
première priorité nationale. Le service public de l'éducation est conçu et
organisé en fonction des élèves et des étudiants. Il contribue à l'égalité des
chances (…) elle a pour but de renforcer l'encadrement des
élèves dans les écoles et établissements d'enseignement situés dans des zones
d'environnement social défavorisé et des zones d'habitat dispersé, et de permettre
de façon générale aux élèves en difficulté, quelle qu'en soit l'origine, en
particulier de santé, de bénéficier d'actions de soutien individualisé »
L’article L.111-2 du code de
l’éducation dispose que « pour favoriser l'égalité des chances, des
dispositions appropriées rendent possible l'accès de chacun, en fonction de ses
aptitudes et de ses besoins particuliers, aux différents types ou niveaux de la
formation scolaire ».
Par ailleurs, l’objectif de
service public d’éducation étant de donner à chaque enfant les moyens de
réussir, il est indéniable que pour assurer l’égalité des chances, les taux
d’encadrement doivent être fixés en fonction des critères quantitatifs et
qualitatifs.
Cet argument est par ailleurs
développé dans un support datant de 2002 encore en ligne sur le site EDUSCOL
(Portail Nationale des Professionnels de l’Education Nationale) (pièce n°7)
rédigé par Madame Marie-Line Bosse, professeur d'école et doctorante en
psychologie cognitive au laboratoire Psychologie et Neuro-Cognition, Université
Grenoble II et Eliane Finet, inspectrice stagiaire, Grenoble 1.
Elle y écrit que les « temps
de langage collectifs… permettent la prise de parole d'un grand nombre
d'enfants dans un temps limité. Ils sont un moment riche pour l'expression et
la compréhension, mais aussi pour l'apprentissage de l'écoute et du respect de
l'autre. Cependant, l'enseignant veillera au temps de prise de parole de
chacun, sous peine de voir se creuser les écarts entre les enfants… ».
Or, il n’est pas contestable
qu’une classe de 30 élèves en double niveau ne facilite pas la mise en œuvre de
ce type d’actions dans les meilleures conditions.
L’augmentation du nombre
d’élèves par classe a un effet avéré sur leur réussite scolaire comme le
démontre plusieurs études.
C’est notamment le cas de celle
de Monsieur Pascal Bressoux, Directeur du laboratoire en sciences de
l’Education de l’Université Pierre-Mendès France de Grenoble qui écrit que «
que la réduction de la taille des classes a un impact très significatif sur les
acquis des élèves, par exemple en français et en mathématiques, mais aussi sur
les facteurs comportementaux : ils travaillent plus en cours ».
Or,
l’école Maternelle d’Angervilliers bénéficiait, avant cette fermeture, d’une
classe par niveau avec des effectifs de 22 à 26 élèves.
Ces
effectifs permettaient à l’équipe pédagogique de travailler les programmes dans
un cadre serein, apaisé et sécurisé.
La fermeture va à l’encontre des principes fondamentaux du code de
l’éducation car elle crée des inégalités d’abord entre les enfants, mettant de
côté ceux qui ont plus de difficultés, puis entre les générations puisque les
seuils d’ouverture de classe très élevées empêchent une possible réouverture
dans les années à venir.
De surcroît le réaménagement des salles de classe à 30 élèves ne permet
pas techniquement l’accueil d’un enfant à mobilité réduite et donc ne garantir
pas l’égalité des chances.
En conséquence, cette décision est entachée d’illégalité au regard du
code de l’éducation.
En quatrième lieu, la commune d’Angervilliers étant classée par
l’INSEE en zone rurale (pièce 5), la décision de fermeture devrait être
prise avec une plus grande souplesse afin de maintenir le service public de
l’éducation dans ces territoires.
La doctrine du Ministère de
l'Education nationale le confirme très clairement: « il appartient aux
autorités académiques de répartir le contingent d'emplois dont elles disposent
en fonction des besoins de l'ensemble des écoles, ce qui implique
nécessairement des mesures d'aménagement du réseau des écoles à partir de
critères objectifs de choix qui sont soumis au conseil départemental de
l'éducation nationale, au comité technique paritaire départemental ainsi qu'aux
instances de concertation. Les seuils d'ouverture et de fermeture de classe qui
découlent de cette procédure permettent de déterminer avec précision les
ajustements requis tout en intégrant la nécessité de préserver le réseau public
d'éducation en milieu rural…il importe d'éviter la disparition des services
publics en milieu rural ainsi que les réorganisations aboutissant à une
diminution significative du service rendu » (JO Sénat du
19/12/2002 - page 3161).
Dans le
même ordre d’idée, la Circulaire du 3 mars 2005 relative au maintien des
services publics en milieu rural précise « qu’il soit renoncé à toute
réorganisation entraînant une suppression ou une réduction significative du
service au public en milieu rural, sauf accord exprès des élus concernés. Ceci
s’applique aux projets de fermeture d’école, sauf s’il s’agit d’un regroupement
pédagogique, ainsi qu’aux projets de fermeture de collège ».
En l'espèce, la fermeture de la 3ème
classe engendre inévitablement une baisse significative du service rendu pour
les 1600 habitants d'Angervilliers à savoir :
- l’accroissement des
effectifs par classe
- l’inadaptation des salles
de classes au regard des nouveaux effectifs
- les problèmes de
sécurités dans les locaux notamment en matière de risque incendie
(exemple : l’espacement entre les assises et le mur du fond n’est pas
suffisant pour permettre aux enfants de sortir rapidement de l’établissement –
90 cm minimum tenant compte de l’espace nécessaire pour l’assise des enfants,
or les chaises sont collées au radiateur).
- L’aménagement de la classe
des « moyens / grands » ne permet pas l’accueil d’enfant à mobilité
réduite et est donc discriminatoire vis-à-vis des enfants en situation de
handicape que l’école pourrait être amenée à accueillir.
Enfin,
la Commune d’Angervilliers bénéficie de subventions au titre de sa ruralité
(Dotation de Solidarité rurale, Dotation d’Equipement des Territoires Ruraux)
et peut bénéficier du FACE (Fond d’Amorçage des Charges d’Electrification) pour
l’électrification des communes rurales. Il n’est donc pas cohérent que la
Commune d’Angervilliers bénéficie, du fait de son classement en zone rurale, de
dispositifs spécifiques relatifs à tous les domaines de la vie quotidienne SAUF
pour le service public prioritaire qu'est l’Education nationale.
PAR CES MOTIFS
Vu
le code de l'éducation nationale,
Vu
le code de justice administrative,
Plaise au Tribunal administratif de VERSAILLES de
:
-
Annuler la décision du 2 septembre 2014
de supprimer un poste d’enseignant à l’école maternelle « Le
Château » à Angervilliers ayant pour conséquence la fermeture d’une classe
dans une commune rurale.
-
Enjoindre à l'Inspecteur de l'Académie de VERSAILLES de rétablir un
poste d’enseignant à l’école maternelle « Le Château » à
Angervilliers.
Sous
toutes réserves
Angervilliers,
le 19 janvier 2015
Martine DUPONT Franck DESSEROUER Gilles NOUGARET
LISTE DES PIECES
1. Règles départementales de carte scolaire pour
l'année 2014/2015
2. Décision de
suppression de poste du 8 juillet 2014 (fermeture différée)
3. Recours
gracieux déposé le 31
octobre 2014 à l’inspection académique
|
4. Réponse de
l’inspection académique du 18 novembre 2014
5. Imprime
écran dossier INSEE codification des communes
6. Règlement
départemental
7. Prévention
des difficultés d’apprentissage du langage écrit en maternelle
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